Raphaël Imbert

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Musical journey in USA #2



le 3 juin 2010 



Day # 2 June 2sd “Looking for street organ”

 

Maison du quartier créole Marigny
Snug Harbor, Frenchmen Street

Cette journée, la deuxième à New Orleans, est marquée par un élément onirique inattendu. Dès mon réveil d’une nuit consacrée à essayer d’effacer les traces du jet-lag, j’entends au loin le son d’un “street organ” qui donnerait à cette matinée des accents parisiens ou Felliniens si la musique entendue ne swinguait pas “à mort”, et le répertoire n’était pas quasiment exclusivement constitué de ragtime. En sortant plus tard pour me rendre à pied vers le French Quarter, visiter les hauts-lieux historiques de la ville, la musique continue, sans pour autant, malgré mes efforts, trouver le responsable de cette authentique mécanisation du swing. La musique est là, dans la rue, elle me suit (ou peut être est-ce moi qui l’ai poursuivie) mais elle reste invisible... Que ferait Omax de cet ancêtre à tuyaux ? De retour quelques heures plus tard, dans le B&B du faubourg Marigny (le Lions Inn, excellente adresse au demeurant, Chartres Street, à ne pas prononcer “à la française”, incompréhensible pour les habitants) à nouveau les échos puissants de l’orgue de barbarie se feront entendre, toujours insaisissables.
Évidemment, le French Quarter est magnifique, mais n’échappe pas à l’impression que procure les villes très touristiques, à la simple différence que New Orleans n’est pas le Mont-St-Michel, Venise ou Montmartre. Ici le drame et la tragédie sont omniprésents, et Katrina ou BP Oil Spill sont les derniers avatars d’une longue série d’événements tragiques. Rappelez-vous, même Louis Armstrong se souvient dans son autobiographie des ouragans à répétition. New Orleans est bâtie dans un secteur inhospitalier au possible, et c’est peut être la raison de l’architecture flamboyante de cette ville, pour conjurer le sort. D’une certaine manière, cela me rappelle mon voyage à NYC en 2004, où le souvenir du 9/11 était très présent dans les conversations de mes interlocuteurs. Mais NYC n’a jamais eu à souffrir de ce sentiment d’oubli et d’abandon du gouvernement central que NO ressent quotidiennement. D’où une fierté accrue, un sentiment communautaire bien ancré, qui ne dépaysera pas les amateurs de Marseille ! Malgré tout, New Orleans s’enorgueillit de sa culture et de son histoire, là où Marseille m’a toujours semblé amnésique. Vous me direz Marseille n’a pas inventé le Jazz, et vous aurez raison. Mais j’ai toujours pensé que les deux villes avaient aussi des points communs de ce point de vue, notamment si l’on en croit Claude McKay et son “Banjo”. New Orleans m’apportera peut être un éclairage nouveau sur l’histoire musicale de ma propre ville, bientôt “capitale” de la culture. Après avoir vu la maison de Faulkner (j’ai hâte que Jean Jamin, que je ne remercierais jamais assez de m’avoir permis ce voyage, vienne ici !) je rencontre Russel dans son incroyable librairie francophile. Il me parle de la ville, des livres passionnants qu’il possède, et dispose de ses connaissances à qui le souhaite. Il me donne ainsi les contacts des responsables du Jazz fund à l’université Tulane. À savoir, venez avec des livres français, vous pourrez les échanger avec d’autres ici.

En fin d’après-midi, je rejoins Sarah Quintana chez elle. Elle souhaite me faire découvrir la vie musicale et quelques musiciens. Notamment un trompettiste français, Yohann Giaume, qui est à la Nouvelle Orleans depuis mars et qui fait des recherches ici. Effectivement il se révèle passionnant et intéressant, peu avare d’informations sur la communauté des musiciens. Je vous en reparlerai. Mais une chose étonnante m’attend en fait lorsque Sarah me présente ses voisins. Aussitôt les raisons de mon voyage présentées, les gens présents entrent immédiatement dans un débat passionné sur les origines du Blues et les qualités requises pour le jouer, notamment le fait imparable d’être noir ou blanc, d’avoir souffert ou non. Les noms de Bessie Smith, Mamie Smith, Robert Johnson, Poppa Chubby, Robert Cray (avec dates précises des enregistrements et des faits historiques) viennent étayer la conversation durant une demi-heure de discussions engagées, et je demande, un peu sceptique, si c’est là le genre de conversation habituelle entre voisins ici. “Bien évidemment, c’est ici que ça se passe”, me répond-on, en précisant qu’aucunes personnes présentes, à part Sarah et moi, n’étaient musiciens, mais amateurs par définition. En gros, vous prenez une discussion sur le foot à Marseille, vous remplacez “OM” et “Zindane” par “Blues” et “Bessie Smith” (vous apprécierez, ou non, la comparaison) et vous aurez la teneur du débat.

Sur le chemin qui nous mène à FrenchStreet, Sarah m’avoue qu’elle est toujours dépitée par des débats qui reviennent immanquablement sur la question raciale, ses voisins, blancs, défendant immanquablement le fait d’être noir pour bien jouer une musique dite de souffrance. Elle se demande si ce n’est pas malgré tout une forme de racisme bien présent dans cette région, elle qui essaye de défendre l’universalité de cette musique, comme la plupart des artistes aux USA d’ailleurs. Je lui réponds que je sens la même chose en France, si ce n’est que les références ne sont pas aussi bien maîtrisées qu’ici. Finalement, je ne vois pas le temps passer, et j’entends d’un coup de la musique partout, qui transpire de tous les côtés. Welcome to Frenchstreet, la rue où ça se passe. Snug Harbor d’un côté, avec Jason Marsalis, Dba à côté, des bars partout avec Dixieland, bluegrass, folk, modern jazz, on prend une bière ici et on va là, au grès des sons et des rencontres. Oserais-je dire que j’ai rencontré ici plus de musiciens en un soir qu’en une semaine à NYC ? En tout cas, la curiosité des gens et l’ouverture des lieux aident à la rencontre et c’est parfait pour moi ! Notamment Jonathan Frielich, qui joue au Dba avec l’incroyable Chaz, le maître du washboard, et Alex Mcmurray, magnifique chanteur, un répertoire folk et old time music d’une grande beauté. Le nom me dit quelque chose, et j’ai vite compris en discutant avec lui qu’il est le leader des fameux New Orleans Klezmer All Stars et du Naked Orchestra, big band d’avant garde. Il est très intéressé par mon projet, rendez vous est pris rapidement.

J’ai à peine le temps de digérer tout cela que l’on se retrouve dans un taxi direction l’extrémité de Chartres Street, dans une zone industrielle qui ne laisserait jamais espérer la présence d’un aussi beau lieu. Le Bacchannale (tout un programme) est un Wine bar accueillant et chaleureux. Mais passé la porte, vous vous retrouvez dans un jardin tropicale, terrasse pour la jeunesse de New Orleans. Ça me rappelle furieusement les bars en plein air de Guinée. Mais la musique qui est jouée, une free music puissante, inventive, créative n’aurait rien a envier à la scène new-yorkaise. Le batteur est hallucinant, le saxophoniste étonnant et superbement créatif. C’est Conakry à Brooklyn. Non, c’est juste New Orleans. En fait, nous sommes là pour fêter l’anniversaire d’une amie de Sarah, et à l’annonce du mien, tout le monde me fête généreusement. J’aurais eu droit à 48 heures d’anniversaire à NO, jet-lag oblige ! Les gens sont très curieux de mon travail sur BACH et COLTRANE, et j’essaye de leur expliquer ma démarche. En tout cas, merci mille fois Sarah de cette introduction explosive à la vie musicale à NO.

En m’endormant hier soir, j’aurais juré malgré tout entendre, au loin, des notes de street organ....



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Musicien autodidacte né en 1974, Raphaël Imbert poursuit un chemin atypique (...)

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